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Marie-Hélène Nunez

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Angèle se sent triste pour l’homme qui s’est évanoui dans une nuit sans réponse. Elle non plus n’a pas de réponse. Les questions restent dans sa tête, elle ne les laisse pas sortir ou seulement la nuit quand elles cognent trop fort, elle les laisse tournoyer au-dessus du lit comme des papillons nocturnes. Elle voudrait les faire passer de son crâne à celui de sa mère. Alors le matin, dans la lumière du jour, la mère dirait qui est l’homme, pourquoi il vient à la maison, pourquoi on la cache, elle et non les autres sœurs, si c’est un ogre qui mange les petits enfants, pourquoi sa mère tremble à son départ, pourquoi cette nuit-là elle ne veut pas dormir avec sa petite. Elle aurait des mots clairs qui chasseraient les papillons noirs, des mots simples choisis exprès pour sa fille, des mots précautionneux comme des caresses sur un corps de nouveau-né.
Mais la mère qui parle sans cesse ne dit que des mots sans destinataire. Comme les lettres égarées faute d’adresse. Les mots de la mère ne sont pas pour la fille. Dans la chambre ils grattent les murs décrépis, dans la rue ils gonflent comme des bulles, ils reviennent en écho répéter les mêmes litanies faites d’ordres, de plaintes contre la vie dure, contre les corvées à faire, les dettes à payer. Ils n’ont pas de signature, ils sont anonymes, impersonnels, vides d’affects. Ils servent à protéger la mère comme des habits de papier journal, vus de tous et neutres.

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Comment se construit un individu ? Quelles blessures doit-il panser pour accéder à luimême : celles de l’Histoire qui fait et défait les destins, qui laisse des traces dans les
générations suivantes, celles du milieu familial même épargné par la tragédie des guerres
mais qui marque à sa façon ses descendants pris dans les idéologies de leur temps .
Le livre « Leurs chemins » de Marie-Hélène Nunez publié par les éditions Az’art entrecroise
des destins entre Espagne et France à travers deux générations, celle des parents qui ont
vécu l’exode espagnol de 1939 et la 2eme guerre mondiale et celle des enfants qui ont eu 20
ans en 1968. C’est aussi un livre où s’expriment les difficultés relationnelles et intimes entre
mère et fille, père et fils, les réconciliations aussi.
Peu à peu les liens entre les personnages se tissent par-delà les époques dans une
chronologie déconstruite. La montagne des Pyrénées, personnage à part entière, est
complice de leurs errances, de leurs bonheurs et de leur rencontre, entre France et Espagne
La littérature comble les trous de la mémoire familiale et de l’Histoire pour guider chacun
dans sa quête personnelle dénouant les problématiques .

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